En sciences biologiques, le terme plasticité désigne la propriété des
organismes vivants d'être des structures organisées et remodelables, c'est-à-dire déformables sous l'action de changements
du milieu extérieur ou intérieur. C'est en fait une capacité d'adaptation de l'organisme à un nouveau milieu.
On savait depuis longtemps que les
insectes, les poissons pouvaient, tout au long de leur vie, modifier leur réseau neuronal et fabriquer de nouveaux neurones,
mais cette fonction ne s'appliquait pas à l'Homme. En effet, les neurologues pensaient qu'après maturation cérébrale, le réseau
neuronal était figé, et qu'il ne se passait plus rien dans le cerveau, qu'il était devenu stable et rigide, et qu'on assistait
tout au plus à une déperdition (perte) en cellules nerveuses sans possibilité d'en voir d'autres les remplaçant avec donc
comme conséquence "logique" une perte définitive d'un certain nombre de fonctions. Or depuis une vingtaine d'années, les scientifiques
multiplient les expériences pour prouver l'existence d'une modification qui se ferait dans le cerveau des mammifères et donc
de l'Homme, jeune comme adulte.
III-1/
Expérience sur des mammifères:
-->Les rongeurs ont des moustaches, appelées vibrisses, qui sont des organes tactiles très sensibles.
Chaque vibrisse a son aire de projection dans le cerveau. Cette aire a la forme d'un tonneau. (On indique les cinq rangées
de vibrisses par les lettres A, B, C, D et E) On compare la zone de l'aire somatosensorielle correspondantes aux vibrisses
d'un rat «témoin», élevé normalement, avec celle d'un rat auquel on a supprimé la rangé de vibrisses C à la naissance.

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(Source : André DUCO, SVT 1°S, BELIN, programme 2005, page 348) |
On remarque que, lorsqu'on supprime la rangée de vibrisse C, les zones
de l'aire somatosensorielle correspondantes disparaissent, alors que celles des «tonneaux» voisins prennent leurs places et
accomplissent leurs tâches.
-->Dans une deuxième expérience, on compare la zone de projection réservée à l'oeil droit et celle
à l'oeil gauche d'un chat «témoin», avec celle d'un chat dont on a occlu l'oeil gauche à la naissance (l'âge des chats est
de quelques mois)

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(Source : André DUCO, SVT 1°S, BELIN, programme 2005, page 355) |
On remarque que les aires de projetions
corticales des neurones en provenance de l'oeil occlus régressent. Elles sont «occupées» par des neurones en relation avec
l'oeil non-occlus.
Ces expériences témoignent de la
présence d'une sorte de remodelage du cerveau lui permettant l'adaptation à une nouvelle condition: c'est le principe de la
plasticité cérébrale. Chez les mammifères, dans les cas pris comme exemple, elle intervient suite à un accident provoquant
un changement dans le génotype (suppression de vibrisses, occultion d'un oeil)
III-2/
Période critique: (période de grande vulnérabilité)
La plasticité, comme nous l'avons
prouvé tout à l'heure, est présente tout au long de la vie de l'individu, mais il existe une période durant laquelle elle
est plus active que durant d'autre.
Dans l'expérience suivante, trois
chats A, B et C sont, respectivement: un adulte normal, un chat auquel on a occlus l'oeil droit durant les trois premiers
mois, et un chat auquel on a occlus l'oeil droit à partir du 12ème mois.

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(Source : Ronald Calderon, Sciences de la Vie et de la Terre 1°S, programme 2001, DIDIER, page 328) |
Les colonnes 2 à 6 représentent
la vision binoculaire.
Le chat A est pris comme référence,
il présente une vision binoculaire normale (de référence). Le chat B, présente une absence de la vision de l'oeil droit, ainsi
que de la vision binoculaire, et ceci malgré le fait que l'occlusion n'ait durée que les 3 premiers mois. Par contre, la vision
de l'oeil gauche est très développée. En revanche, le chat C présente une vision binoculaire très faible, mais la vision de
l'oeil droit n'a pas totalement disparu.
Ceci, prouve donc l'existence d'une
plasticité cérébrale, c'est-à-dire d'une modification du réseau neuronale chez l'individu adulte et jeune, mais encore plus
chez l'individu jeune.
Comme l'organisation du système
nerveux chez les animaux et chez l'Homme est quasiment le même, les chercheurs ont supposé cette capacité présente aussi dans
le cerveau humain.
En effet, en prenant un exemple
classique, on sait qu'un aveugle a ses sens auditif, olfactif et tactile très développés par rapport à un individu normal.
Ceci est dû à une réorganisation des réseaux neuronaux de façon à ce que l'aire de projection corticale spécifique à la vue
régresse au profit des aires de projections corticales voisines, à savoir celles de l'odorat, du toucher et de l'ouïe.
De même, chez les violonistes, les
doigts de la main gauche sont très mobiles (ils appuient sur les cordes). La stimulation répétée de ces doigts lors d'un entraînement
soutenu augmente l'importance de son aire de projection au niveau du cortex somatosensoriel.
III-3/
Création de nouveaux neurones:
En 1992, l'équipe de Brent Reynolds
et de Samuel Weiss, mirent en évidence des cellules souches au sein du cerveau de souris adultes. Ces cellules souches pouvaient
se différencier soit en neurones, soit en astrocytes (cellules gliales qui jouent un rôle dans la nutrition des neurones en
glucose et dans la propagation du signal). Dans les années qui suivirent, grâce à des progrès techniques permettant de différencier
les neurones des astrocytes, on a pu établir la preuve qu'il existe une neurogenèse dans le cerveau des mammifères adulte,
homme y compris.
Les régions cérébrales fournissant
en permanence de nouveaux neurones sont:
- La zone
sous-ventriculaire, située sur les parois des ventricules latéraux
- La zone
sous granulaire, localisée dans le gyrus denté de l'hippocampe

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(source: schéma fait par nous-même) |
III-4/
Changement de latéralité:
On sait que
les gauchers, dans notre société sont très mal perçus, dans certaines familles. Ils obligent les enfants nés gauchers à écrire,
manger et à n'utiliser que leur main droite. Au début, on remarque des difficultés à s'adapter de la part des enfants, ils
n'arrivent pas à utiliser leur main droite aussi bien que leur main gauche. Mais quelques mois après, ces enfants deviennent
droitiers. Lorsqu'on les soumet à des IRM, on remarque que lorsque ceux-ci utilisent le langage, c'est la partie gauche du
cerveau qui s'allume (chez un droitier, le langage est contrôlé par l'hémisphère gauche, et chez les gauchers par l'hémisphère
droit).
Cette expérience témoigne d'un changement
de latéralité chez ces enfants. Ceci montre l'entrée en jeu de la plasticité cérébrale, sous une nouvelle forme.
Cette découverte a révolutionné
nos connaissances en matière de maturation et de vieillissement cérébral, et a ouvert de nouvelles voies en matière thérapeutiques
chez les cérébro-lésés et dans les pathologies neurodégénératives.
Ainsi, le système nerveux n'est
donc pas un système figé, mais il est le siège d'un ensemble de modifications et de transformations qui se font tout au long
de la vie de l'individu. Cette neuroplasticité, influencée par des stimulations issues de l'environnement, consiste en un
remodelage des connexions synaptiques.
Les principaux types de neuroplasticité
seraient donc:
1) La réorganisation ou la création
d'une synapse, qui entraînerait un élargissement du réseau de connexions inter-neurones
2) Le changement de la latéralité
et le changement de fonctionnalité, c'est-à-dire que la partie saine du cerveau se charge de remplir, en plus de ses fonctions,
certaines fonctions des neurones perdus.
3) La réorganisation de la composition
d'un réseau neuronal par la différenciation de nouveaux neurones à partir de cellules totipotantes, qui sont des cellules
non-différenciées (donc création de nouveaux neurones: neurogenèse)
4) L'activation des zones muettes,
qui ne sont habituellement pas actives dans le cerveau, et qui reprennent les fonctions des neurones perdus.
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